Et si on ne transmettait plus ce qu’on a subi ?
- Cathy GUISLAIN- MACEDO
- il y a 1 heure
- 4 min de lecture

Et si on arrêtait de perpétuer une culture du malheur, pour construire une culture de paix ?
On l’a tous entendu un jour. Cette phrase balancée, presque fièrement, comme un badge de résilience :
« Moi aussi j’ai pris des baffes quand j’étais petit, et je n’en suis pas mort.»
Mais faut-il vraiment avoir survécu à la douleur pour la légitimer ? Est-ce que souffrir devient une étape obligatoire pour grandir ? Et si ce n’était pas une preuve de force… mais une blessure qu’on n’a jamais osé regarder en face ?
✋ Transmettre la violence n’est pas transmettre la force
Il y a dans cette phrase un héritage invisible mais bien réel : celui d’une culture de la souffrance banalisée. Une génération qui a appris à se taire, à serrer les dents, à confondre autorité et maltraitance. Et aujourd’hui, parfois sans s’en rendre compte, elle transmet ce modèle aux suivants.
Pas par méchanceté. Souvent par automatisme. Parce que c’est tout ce qu’on leur a appris.
Mais justement. On n’est pas obligé de reproduire ce qu’on a subi. On peut décider de changer le scénario.
🌿 Mon histoire : aimer et comprendre, sans reproduire
J’ai grandi dans une famille marquée par une culture de l'éducation par le respect mais un respect plus proche de la peur de prendre un raclée que de la sagesse. Mon papa nous a « éduquées avec sévérité». Je n’étais pas battue, mais j'étais menacée par le cadre :
« Tu vas voir quand ton père va rentrer… » me disait ma mère...
À la moindre insolence d’ado, à chaque fois que je parlais à un garçon ou que je profitais de la promenade du chien pour discuter avec mes copains… la peur revenait. Mon père avait lui-même été élevé comme ça. Pour lui, « éduquer » voulait dire « corriger » — dès qu’on faisait une bêtise ou qu’on ne rentrait pas dans le cadre.
Mes parents étaient des immigrés portugais, arrivés en France en 1974, fuyant la dictature. Ils avaient leur propre image de l’éducation, façonnée par la peur, la survie, le silence. Je pense que mon papa souffrait aussi de tout ça… mais il n’a jamais eu les outils pour en sortir. Aujourd’hui encore, quand il voit mes enfants — jeunes adultes maintenant— sortir de son cadre à lui, il me regarde avec incompréhension et me demande :
« Mais comment tu fais pour supporter ça ? »Et je lui réponds avec douceur : « Mon petit papa… mon cadre éducatif n’est pas le tien. »
Pour lui des enfants bien éduqués, doivent manger à table avec nous tous les jours, doivent descendre de leur chambre pour nous raconter leur journée, ne doivent pas lever le ton, doivent demander l'autorisation pour sortir de table même majeur, etc, etc... Je ne lui en veux pas. Je l’aime. Mais j’ai compris qu’on pouvait aimer… sans reproduire.
Quand je suis devenue maman à mon tour, j’ai suis parfois tomber dans les mêmes travers. Parfois, face à mes propres difficultés de maman, j’ai eu la main trop légère. Et le père de mes enfants… était lui aussi profondément ancré dans cette culture de l'éducation violente, puissance 10 même. Et pas seulement envers les enfants...
Et puis, un jour, j’ai décidé de dire stop. Je suis partie.Et j’ai commencé un long chemin de reconstruction.
Je ne blâme ni mon père, ni le père de mes enfants, ni ma grand-mère. Mais j’ai choisi, en conscience, de briser la chaîne.
💡 Et si on osait créer autre chose ?
Et si élever un enfant, ce n’était pas le dresser, mais l’accompagner ? Et si l’autorité ne rimait plus avec peur, mais avec confiance ? Et si on cessait de croire que « ça forge le caractère » quand ça brise l’estime de soi ?
Non, on ne meurt pas toujours d’une claque. Mais on en garde des cicatrices. Un cœur durci, une peur enfouie, une colère qui ressort ailleurs.
La vraie force, ce n’est pas d’avoir encaissé. C’est d’avoir compris qu’on pouvait faire autrement.
☀️ Construire une culture de paix, ça commence chez nous
Changer cette culture, ça commence dans nos familles, dans nos mots, dans nos gestes du quotidien. Ça commence quand on prend le temps d’écouter. Quand on répare plutôt que punir. Quand on ose dire : « J’ai fait des erreurs, mais je veux apprendre. »
La paix, ce n’est pas un grand concept lointain. C’est une posture intérieure, une décision. Celle de ne pas transmettre la violence qu’on a reçue. Celle de bâtir un monde plus doux, un geste à la fois.
💛 Pour une génération qui ose aimer autrement
Peut-être que nous sommes la génération de transition. Celle qui a pris des coups… mais qui ne les rendra pas. Celle qui pleure encore… mais qui choisit d’aimer quand même. Celle qui cherche, qui trébuche, mais qui avance, consciente et déterminée.
Alors non, tu ne prendras pas « des baffes pour apprendre ». Tu mérites qu’on t’écoute, qu’on te guide, qu’on t’accompagne. Et ensemble, main dans la main, on peut déconstruire cette culture du malheur et bâtir, enfin, une vraie culture de paix.
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